Nos ancêtres

Pierre Robitaille et Marie Maufait

Par Lorraine Robitaille-Samson, Québec.

Des quatre frères Robitaille venus s'établir en Nouvelle-France, Pierre est l'ancêtre de la plupart d'entre nous. Peu après son arrivée, le 24 novembre 1670, à l'âge de 18 ans, il signe devant le notaire Gilles Rageot un contrat de concession de terre pour un lot situé en la paroisse de L'Ancienne-Lorette, dans la Seigneurie de Gaudarville. Cette Seigneurie avait été concédée à Jean de Lauzon, gouverneur, qui l'a ensuite léguée à son fils Louis. Son nom lui fut donné en souvenir de la mère de Louis, Marie Gaudart. Deux ans plus tard, le 20 mars 1672, devant le même notaire, Pierre signe un autre contrat de concession de terre avec les Pères Jésuites. Cette fois pour un lot dans la Seigneurie voisine de St-Gabriel. Il avait peut-être vu trop grand, car en octobre 1674, il se désiste de quelques arpents. Ceci diminuait ses cens et rentes à payer annuellement.

Enfin, cinq ans après son arrivée, Pierre épouse Marie Maufait. Marie est née à Québec le 13 octobre 1661 et est âgée de 14 ans. Son père, Pierre Maufay, habitant de la Côte St-Michel, est le fils de Toussaint et de Jacqueline Bénard, de St-Côme-de-Vair, arrondissement Mamers, évêché Le Mans, Maine (Sarthe). Les futurs époux signent un contrat de mariage devant le notaire Gilles Duquet le 5 mai 1675. Marie est accompagnée de son père, de sa mère Marie Duval et de sa soeur Jeanne et son mari Simon Allain qui demeuraient sur une terre non loin de celle des Robitaille. Les parents de Marie promettent de fournir à leur fille:

« la veille des espousailles une vache à laict et un cochon nourritureau, habiller leur dite fille le jour de ses noces suivant sa condition luy donner six chemises, six mouchoirs, six coiffes, une couverture, une chaudière, une paire de draps et six serviettes le tout neuf… »

Malheureusement, on ne trouve pas trace du mariage Robitaille-Maufait dans les registres paroissiaux. L'Ancienne-Lorette ayant inauguré sa première église paroissiale en 1676, peut-être se sont-ils mariés à la mission de Sillery où un incendie a détruit tous les documents vers 1680.

Marie Maufait assure la postérité des Robitaille en donnant une belle famille de 13 enfants à son mari: 10 garçons et 3 filles. Trois fils décèdent en bas âge: Romain 2 mois, Louis 5 ans et Claude 3 ans. Le deuil le plus cruel est sans doute celui de Charles, décédé à 26 ans. François demeure célibataire et décède à 40 ans. Nous n'avons aucune trace de Charlotte-Catherine.

Leurs cinq autres garçons et deux filles se sont mariés :

On voit en Pierre Robitaille un homme vaillant et entreprenant. Lors du recensement de 1681, il avait 30 ans et Marie 18. Ils avaient 2 enfants: André 4 ans et Marie 1 an. Ils possédaient un fusil, 6 bêtes à cornes et 16 arpents en valeur. En avril 1683, Pierre s'engage à nettoyer un arpent de terre enlever toutes les fredoches et les brûler, et autres bois ne laissant au plus 12 souches, appartenant à son beau-frère, Pierre Maufay. Ceci pour la somme de 60 livres.

En 1693, après plus de vingt ans de travail, lorsque la famille comptait déjà 7 enfants, Pierre acquiert les concessions de ses deux frères, Jean et Nicolas. La ferme de Jean comporte alors en plus de la terre, une maison de pièces de bois les unes sur les autres et un hangar entouré de pieux et couvert de paille. Nicolas avait donné verbalement sa concession à ses frères, avant de retourner en France.

Pierre a affaire à la justice seulement une fois alors qu'il est poursuivi par Pierre Soullard, époux de Louise Prou. On ne saura jamais ce qui s'est vraiment passé, parce que le document de la Prévôté de Québec est abîmé et qu'on peut seulement y voir que Pierre Robitaille est condamné à payer la moitié du prix d'une vache. Il s'exécute devant le notaire Genaple le 7 mars 1702, en versant 24 livres en monnaie de carte.

Le 18 janvier 1710, l'intendant Raudot ordonne l'arpentage officiel des terres de Pierre Robitaille et de celle de Pierre Drolet, son voisin. Le 20 janvier de la même année, le seigneur Dustiné concède 19 arpents en superficie à Pierre Robitaille dans la Seigneurie de St-Gabriel. Notre ancêtre possède donc 3 concessions dans la Seigneurie de Gaudarville, et 2 dans la Seigneurie de St-Gabriel. De ce fait, il possède la plus grande superficie de terre à L'Ancienne-Lorette.

En 1715, notre ancêtre maintenant âgé de 60 ans, est probablement très malade puisqu'il signe un contrat de vente d'une partie de sa terre en faveur de son fils Jean et qu'il décède huit jours plus tard. Il lègue une terre en habitation pour le prix de 800 livres. Dans le contrat, il est aussi stipulé que pour trois ans de pension non payée, Jean donne 75 minots de blé à ses parents. Pierre Robitaille est inhumé le 8 mai. Les funérailles sont présidées par l'abbé François Dupré. À ce moment-là, seulement André et Marie-Suzanne étaient mariés. Six enfants adultes vivaient donc sous le toit paternel.

Le 29 avril 1716, comme le veut la loi, le notaire Bernard de la Rivière procède à l'inventaire des biens de Pierre. Il est très intéressant de constater, à l'aide de cet inventaire, tout le travail accompli par ce jeune Français arrivé 46 ans plus tôt et par sa femme: avoir élevé une famille de 9 enfants vivants et mis en valeur pour l'agriculture 10 arpents de terre. De plus, Marie devait confectionner tous les vêtements de la famille puisqu'elle possédait un métier garni de ses lames, un ros à une poignée, un rouet. Les Robitaille élevaient leurs propres moutons qui leur fournissaient la laine nécessaire. Ils possédaient 3 vaches, 5 brebis, 4 petits agneaux, 4 taureaux, 2 cavales (juments) et 3 cochons. Ils ont toutefois quelques dettes:

Pierre Robitaille avait sûrement beaucoup l'esprit de famille. Il a signé le registre de L'Ancienne-Lorette 13 fois comme parrain, 6 fois comme témoin à un baptême, 8 fois à un mariage et 2 fois à une sépulture.

Marie a survécu 15 ans à son époux. Elle décède le 21 décembre 1730 à l'âge de 73  ans. Le registre de L'Ancienne-Lorette mentionne morte d'une attaque d'apoplexie. Elle a eu la joie de voir 7 de ses enfants se marier et avait plusieurs petits-enfants. Seul François est resté célibataire et est décédé trois ans après sa mère.

Je crois qu'il importe ici de rendre un hommage tout à fait spécial à notre ancêtre Marie Maufait. Peut-on s'imaginer une petite fille de 14 ans se marier et aller demeurer dans une maison en bois rond, en plein bois, sur le bord d'un ruisseau? Cette petite Marie devait jouir d'une excellente santé pour élever sa famille dans des conditions de vie aussi difficiles. Elle nous donne un exemple de courage peu ordinaire et mérite toute notre admiration.